Le Roi de Bohême

7 => L'hôpital du bon docteur transformé en hosto de la muerte !

Le 04/12/2024 0

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L'hôpital en 1901,... c'était mieux avant ? J'en suis pas sûr, mais comme le 20ème siècle est en quasi tous points meilleur que le 21ème, on va partir du préambule que c'était mieux.

Mais qu'est-ce qu'il s'est passé pour en arriver là ?

Désolé pour le titre un peu accrocheur, ça a été fait exprès pour aguicher le chaland. Ceci dit, je dois ici aborder un sujet très délicat : La psychiatrie en hopital, version moderne, parce que c'est un sujet très délicat lorsqu'on voit de l'intérieur ce qui s'y passe, étant donné qu'ici le problème n'est qu'humain, pas structurel.

 

On ne peut pas vraiment penser comme Freud : "Ils croient qu'on leur apporte la paix alors qu'on leur apporte la peste". C'est sûrement vrai pour les psychiatres de ville, mais ici en hôpital c'est un peu moins évident, parce qu'on n'a pas affaire à des gens compliqués, plutôt à des malades psychiques, et quelques types qui vrillent après une épreuve de vie très difficile. Quand j'étais jeune, je croyais que les psychiatres c'était fait pour les gens des grandes villes, des New-Yorkais par exemple. J'ai toujours pensé qu'enfermer des humains dans des boites pareilles, ça ne pouvait pas bien finir, alors New-York me semblait bien pour vriller sans raison (en raison de l'environnement) ou alors ceux qu'on voyait dans Colombo à Los Angeles, à la rigueur des genevois, mais pas des montagnards rustiques comme chez nous. Enfin, je sais pas, mais si je suis psy et que je cherche de la clientèle, je ne m'installe ni en Valais ni à Schwytz. Chez nous, on avait quelques marginaux, quelques alcooliques pris en charge par la commune, quelques trisomiques mis en valeur par l'Eglise (mais aujourd'hui c'est des cas qui sont soignés avant même de naître), et aussi oui, de temps en temps, un type qui pête un câble, mais ça ne se produisait que de temps en temps, et pour ceux-là, il y avait l'hôpital de Malévoz, le temps qu'ils se calment, et ensuite ils revenaient normaux à la maison.

 

Donc j'ai toujours assimilé les psys avec les gens compliqués, mais pas vraiment avec ceux qui souffrent de troubles mentaux. D'ailleurs, lors de certains voyages de jeunesse, j'avais été à la limite du pétage de plombs à 19 ans en Inde, et du suicide à 20 ans en Argentine, j'ai vu un toubib durant 5 minutes en Inde, il m'a demandé ce qui n'allait pas, je lui ai dit que j'étais sur les nerfs parce que ça faisait un mois qu'on faisait le tour de l'Inde en dormant par terre dans les trains et que je n'avais pas dormi ces 4 derniers jours, et il m'a fait direct une ordonnance : "Vous prennez une moitié de pilule, vous dormez 6 heures, et avec une entière, 12 heures !" voilà, signé, pharmacie, médic, dodo, et ça s'est passé comme il a dit. Le sommeil était cependant très spécial, un mélange de réalité et de rêve supperposés, et une impossibilité d'ouvrir les yeux même si on fait tous les efforts pour. Bref, une cure de ce médicament quelques jours pour rattraper, puis 15 jours au chalet avec grand-maman Théotiste qui s'est occupée de moi pendant que je dormais 18 heures par jour, et il n'y parraissait plus.

 

En Argentine, j'ai été jusqu'aux limites du suicide, et Dieu ou la puissance de ma psyché m'a provoqué une hallucination qui m'a indiqué comment m'en sortir, et je m'en suis sorti. Mais là-aussi, 15 à 18 heures de sommeil par jour sédaté par du vin rouge, et après 2 semaines, il n'y parraissait plus et je continuais ma route.

 

A mon retour de voyages, j'ai fait un stage dans un hôpital normal, suis tombé sur le DSM III dans la bibliothèque (la bible des psychiatres, actuellement ils en sont au 5ème tome), et j'ai recopié toute la définition de la "Psychose maniaco-dépréssive" dans mon dernier carnet de voyage, satisfait et rassuré parce que tout était en ordre, la maladie identifiée, les troubles identiques à ceux que j'avais vécu, c'était connu donc pas si grâve, et même plutôt chouette si j'en juge par ma note au bas de la définition : "Eh bien si c'est ça, tant mieux, la vie ne sera pas monotonne". 

 

Voilà, j'étais juste un peu détraqué si je vivais trop d'émotions contradictoires, de déceptions, de choses comme ça, et ça passait pour aller vers le mieux, pas lieu de s'en inquiéter, d'ailleurs j'étais si inquiet que j'ai complètement oublié cette histoire, parce que j'ai trouvé le Grand Amour, ce n'est qu'il y a quelques années, en relisant ces carnets que j'ai vu que j'avais déjà le diagnostic depuis tout ce temps. Donc je vis le grand amour, je trouve un boulot et on s'en fout, on sait que si vraiment on pête trop les plombs, il y a toujours l'asile de fou (comme on le nommait) : Malévoz ! Donc je scindais en deux les choses : Oui, les psys existent pour les gens compliqués qui ont besoin de se rassurer un peu sur leur vie, le sens de leur existence, des trucs pareils, et Malévoz c'est pour ceux qui ont vrillé complet, histoire de les remettre en état avant de les relâcher dans la nature.

 

Bon, ça c'était avant 26 ans de psychiatrie, parce qu'après 27 séjours à Malévoz, dont 24 ces dix dernières années, j'estime que Malévoz est la meilleure structure psychiatrique publique de Suisse, donc du monde. Alors aujourd'hui, je pense que les psys existent pour les gens compliqués qui ont besoin de se rassurer un peu sur leur vie, le sens de leur existence, des trucs pareil, et Malévoz c'est pour ceux qui ont vrillé complet, histoire de les remettre sur pieds avant de les relâcher dans la nature.

 

Tiens... je pense la même chose qu'il y a 30 ans..., stupéfiant !

 

Mais pour ceux qui suivent, je vais montrer la structure exceptionnelle dans laquelle peuvent évoluer les types qui ont vrillé, ceux qui souffrent au point de préférer se taillader pour fixer la souffrance sur un lieu de leur corps, histoire d'extérioriser la plus difficile : la souffrance intérieure. Voilà la meilleure structure psychiatrique du monde :

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Terrasses partout, pavillon des Rochers derrière les plantes et pavillon des Muguets à droite, avec salle de sport et physiothérapie au sous-sol.

Tout est aménagé en petits pavillons comptant 20 à 25 patients, ce qui permet de mieux faire connaissance que dans un grand bloc fermé, car ici tout est ouvert, c'est autre chose que le bunker aveugle de Casablanca !

Ici la terrasse de MON pavillon, le pavillon des Lauriers. Oui, parce que je suis un peu difficile, je n’aime pas la cheffe de clinique qui sévit dans celui des Châtaigners, les Muguets ça va, mais je n’y ai été qu’une seule fois, je le garde en réserve pour la physio et les massages, j’aime bien aussi celui de la Forêt, mais il est tout en haut, il faut marcher un peu pour aller manger à la cafétéria, alors comme je suis un faignant, je vais chaque fois aux Lauriers (non, en réalité c'est parce que je suis connu là-bas, donc s'il y a de la place, c'est là qu'ils me casent, et ça tombe bien, c'est le meilleur pavillon).

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Vue depuis la terrasse, ... à Casablanca, la clinique était tellement aveugle qu'ils avaient même recouvert le toit-terrasse de plaques en alu avec des petits trous, sur des murs de 5 mètres de haut..., histoire d'être sûr qu'on ne puisse même pas s'évader un peu en pensées en observant une constellation.Img 9923Img 9926

Durant mon dernier séjour, j'ai eu droit à la chambre du pape, la 19.Img 9929

C'est la chambre du pape parce que c'est la meilleure et qu'on peut faire la bénédiction urbi et orbi depuis la fenêtre aux gars qui fument dans le patio :Img 9932

Vue aussi sur la pelle mécanique qui est là depuis... ben depuis au moins 1998 il me semble. Il y avait un projet contre la montagne, le projet a capoté, ça les a fait chier de redescendre le tracks, donc il reste là.Img 9933

Dans le couloir devant la chambre, un poste d'observation du côté où vont fumer les soignants pour écouter un peu ce qu'ils peuvent bien raconter...Img 9934

L'homme dont Dieu s'est servi pour me rendre la foi, Antonio :Img 9936

Terrasse, parasol, il y a des patients qui appellent cet hôpital : "Le Palace", et je ne peux pas contredire (genre : Salut, comment ça va ? - Je suis au Palace !... ok, c'est bon, repose toi bien).Img 9939

Les jardins sont arborés de plein d'espèces d'arbres différents, la souche au premier plan c'était un séquoia.Img 9938

La petite route qui mène à la cafétéria (derrière les panneaux), et le bâtiment administratif de l'entrée.

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Vue de l'autre côté, les Rochers au premier plan Img 9944

Tout est bien entendu fleuri à profusion :Img 9946

Pavillon Le TorrentImg 9947Img 9948

Et des passages partout pour se ballader ou bien se cacher pour fumer un joint... (non je déconne, c'est interdit !)Img 9949

Les Muguets et sa petite terrasseImg 9951Un petit chalet pour donner un air buccolique à l'ensemble :

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Cafétéria et bâtiment administratifImg 9953

La chapelleImg 9954Img 9956

La botte secrête du génie qui a inventé tout ça :

- des bonnes soeurs pas syndiquées qui bossaient gratis et qui n'avaient surtout que leur bonne volonté et leur amour a offrir. Aujourd'hui, tout le personnel est payé, donc on oublie la bonne volonté, l'amour et on rajoute le wi-fi...Img 9959

Le bienfaiteur et le génie par qui tout cela futImg 9955

Les fleurs qui débordent...Img 9961

L'unité psycho-socialeImg 9962

Que peut-on demander de plus ? Un cigare et un bon morceau de musique ? - Non ? ça suffit pas, il faut un thé en plus ? 

- Vous me mettrez deux thés et un verre d'eau gazeuse, fraiche l'eau, et avec une tranche de citron et une petite ombrelle dessus... (non, c'est un palace, mais pas dans ce genre là) 

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On peut tenir les théories qu'on veut, faire les cons, on s'en fout on est chez les fous...Img 9998

Voilà..., alors qu'est-ce que des types mal fichus peuvent bien demander de plus ?

- Rendez-nous les bonnes sœurs qui bossent gratis sans ordi ni wi-fi, ... ou à la rigueur l'infirmière de "Vol au-dessus d'un nid de coucou", pas sympa, mais avec déjà un peu l'habit "bonne soeur", et au moins pas cachée par derrière, genre qui veille au grain, et qui fait tourner la boutique sérieusement. Elle me fait penser à Sister Look, la suppérieure du mouroir à Calcutta (donc une bonne soeur) que mère Teresa a dû virer pour faire plaisir aux volontaires occidentaux qui se plaignaient parce que pas sympa, ...mais efficace, donc Mère Teresa en a mit une sympa, moins compétente, moins efficace, mais sympa ! Non j'en sais rien, je n'ai pas bossé avec soeur Nirmala, mais franchement, je trouve qu'elle a bien fait de le sécher, vous avez vu le bazar qu'a foutu Nicholson dans l'unité ? (et il était bipolaire pour de vrai aussi). Bon, elle n'avait pas le choix, elle est toute excusée, et l'indien a pu enfin s'émanciper... tout est bien qui fini bien ! (dans le film, essayez de suivre)

Non, c'est moi qui m'éparpille, donc revenons à nos moutons... alors on passe sur l'époque antique où les malades mentaux étaient identifiés comme ayant des lumières divines : oracles, augures, sybyles toussa, on passe sur la suite aussi, parce qu'au lieu de lumières divines, t'avais intérêt à pas trop raconter de conneries si tu ne voulais pas finir sur un bûcher, on passe aussi sur l'épisode des mises en cage et ces trucs là, et on en revient au 20ème siècle avec les bonnes sœurs qui avaient sûrement autant de compétences professionnelles en psychiatrie que j'en avais en infirmerie quand Sister look m'a nommé infirmier du mouroir (côté hommes) avec un maçon japonnais => zou, infirmiers tous les deux, on était les plus anciens ! ... autant dire aucunes compétences, mais on avait une botte secrète : de la bonne volonté et beaucoup d'amour !

Parce que c'est réellement le problème majeur de cet hôpital : la bonne volonté. Personnellement, j'ai détecté les infirmiers de bonne volonté qui sont toujours plus efficaces que les autres, peut-être plus compétents, mais si ça les fatigue d'utiliser leurs compétences, mieux vaut un moins compétent mais de bonne volonté. La deuxième catégorie, c'est les infirmiers très professionnels comme Alina, qui en plus d'être compétente, est de bonne volonté, ou alors les super pros comme Frank. Le type tirait toujours la gueule, mais il était bougrement efficace. Si on voit Frank se pointer à 22h00, on sait qu'à 22h15 tapantes, il sera aux médicaments, il aura fait le tour des chambres, le type c'était une machine, je l'ai vu une fois éclater de rire dans le bureau infirmier et ça m'a fait du bien pour lui. Je le lui ai dit et on a un peu sympathisé, c'était un taciturne qui ne faisait que les nuits, histoire de garder un rythme, et il avait une conscience professionnelle telle que de bonne ou mauvaise volonté, de bonne ou mauvaise humeur, ça ne changeait rien, l'efficacité dictait les choses. 

La plupart sont tout de même de mauvaise volonté, mais si je le dis, on va croire que je rouspète, alors je donne un exemple typique.

Je suis rapatrié là en juillet, il fait chaud, donc on dort fenêtres ouvertes parce qu'on a pas encore des moniteurs comma à Casa avec la température, l'hygrométrie, le bouton pour la bonne femme de la bouffe et celle de la serpillère (mais ça va venir). Pour l'instant, je suis insomniaque mais je compte quand-même sur la fatigue du petit matin pour grappiller une ou deux heures de sommeil. Le problème, c'est que chaque nuit, vers 03h15, 03h30, un type hurle, un hurlement abrupt, puis plus rien durant une minute, et une minute plus tard, un nouvel hurlement..., et chrono en main, le type pousse son hurlement très régulièrement, avec un intervalle variant de 45 secondes à 1 minute et 15 secondes entre chaque hurlement... 

Donc c'est chiant parce que si on veut dormir, on a intérêt à être capables de s'endormir en moins de 45 secondes, sinon on attend l'hurlement suivant, et s'il le pousse une minute quinze plus tard, on est presque soulagé, genre : «Oufff, tout va bien, il est toujours des nôtres». Après un hurlement, j'entends un : "TA GUEUUULE !!!" par la fenêtre...

Bref, je descends voir les infirmiers, l'infirmière dors sur le fauteuil avec des petits écouteurs dans les oreilles et l'infirmier est par derrière avec une manette de Nitendo et un casque sur les oreilles, normal. J'informe du problème très exactement : «un type doit être mal fichu, parce qu'il hurle à intervalle régulier d'une minute...» Ils acquiescent et je remonte me coucher.

ça continue, donc vers 05h00, je redescends, ils sont tous les deux à fumer devant la porte, à l'extérieur, et je leur demande qu'est-ce qu'il se passe ? 

- Rien, tout va bien, on a fait le tour des chambres, c'est ok.

Et là un hurlement ! OUFFFF, bon, on a entendu tous les trois, il y a effectivement un problème, donc comme ils ne peuvent vraiment pas faire croire qu'ils n'ont pas entendu, ils décident de mener une enquête approfondie, Colombo est de retour, je sens que cette fois, ils vont trouver quelque chose, alors je retourne me coucher tranquille. Mais ça continue, toute les minutes (à 15 secondes près).

A 06h30, je redescends pour voir où ils en sont avec leur enquête, un type qui hurle toutes les minutes ne doit pas être difficile à débusquer, s'il hurle toutes les 10 minutes c'est plus difficile, mais toutes les minutes... ? Même si on joue a cache-cache et qu'on est super bien caché, si on doit hurler toutes les minutes, on se fait repérer. L'infirmier est un peu indolent, je lui demande ce qui se passe : "Ah, il y a effectivement quelqu'un qui gueule, mais ça ne vient pas de notre pavillon !" Genre : «Oufff, au lieu de ne faire chier que notre pavillon, le type fait chier tout l'hôpital, ça va», l'enquête est close.

Le lendemain pareil, à partir de 03h15, le type hurle toutes les minutes, et là il fait trop chaud pour dormir fenêtre fermées, et je suis décidé à débusquer le type. Donc enquête élargie, parce que les deux infirmiers l'entendent à nouveau, et ils trouvent le truc : «C'est un type des Rochers qui est atteint de démence sénile, les infirmiers des Rochers sont sur le coup, pas d'inquiétude à avoir».

Il gueule quand-même jusqu'à 06h45, je ne dors pas, je compatis comme je peux. Mais le lendemain soir, il y a une infirmière de bonne volonté qui est de garde et qui me donne ma médication à 22h15, je la connais bien, elle est très aimable, m'explique un peu le cas, il est en crise, ils ne peuvent rien faire. J'avale mes médics, bois une gaulée, et lui dit : "Vous savez Nicoletta, pour mettre un terme au problème, moi je n'ai pas besoin d'un diplôme de médecine ou d'infirmière, un jeu de clefs me suffirait : il est en crise, donc il ne dors de toutes façons pas, il n'y a qu'à fermer sa fenêtre..."

Voilà, et comme c'est une infirmière de bonne volonté, elle a téléphoné aux Rochers pour leur donner la solution et on ne l'a plus entendu hurler.


 

C'est comme ça tout le temps et pour tout, c'est si désespérant qu'à chaque fois qu'il y a un problème, il faut évaluer si les efforts qu'on va devoir faire pour convaincre vont demander plus d'énergie que de laisser le problème continuer.

Un autre cas, plus rapide, une jeune patiente, et là ils doivent lui donner des sacrés saloperies pour la mettre dans cet état, bref, tous les soirs elle s'assied droit devant le bureau infirmier, comme pour demander l'aide qu'elle n'ose pas demander, toute recroquevillée, elle tremble…, et c’est une qui s’est ouvert les veine aux deux bras dans le sens de la longueur, donc : pas pour faire semblant. Les infirmiers entrent et sortent de leur bureau, pas un ne regarde contre... Heureusement que les patients s'inquiètent un peu, parce qu'on la voit depuis le patio, donc des patientes vont vers elle pour aider, mais elles n'ont pas les compétences, ça n'arrange rien, et ça dure depuis 3 nuits. La troisième nuit, je suis là dans le patio, je la vois par la vitre, elle est à nouveau droit devant le bureau infirmier pour se faire remarquer, et tout à coup arrive pour son service de nuit Dany, un jeune infirmier de bonne volonté. Je me dis qu'il y a un coup à jouer, je vais voir la jeune fille, je lui demande si elle a la foi, elle répond non, donc je lui demande si elle veut parler à un infirmier, elle me dit oui, et je vais voir Dany qui est aux médicaments pour l'informer.

- "Monsieur Vuignier, vous êtes un patient dans cet hôpital, ce n'est pas à vous de nous dire quoi faire, on sait ce qu'elle a, on est au courant !

- Certes, mais j'ai un cœur aussi (et puis de la voir normale le matin et dans cet état le soir, à mon avis elle est sous des effets extra-pyramidaux tous les soirs et ils en savent que dalle)

- Oui, mais vous êtes un patient, ce n'est pas à vous de vous occuper des problèmes...

- Oui bon d'accord, mais figurez-vous que je crapote mon cigare tranquille dans le patio avec la musique, alors de la voir comme ça à travers la vitre, recroquevillée et tremblotante, ça m’incommode, ça me procure des angoisses !

Donc là ça change tout, il en va de ma santé mentale, et il va régler le problème parce qu'il est de bonne volonté. Il va la voir, s'accroupit au niveau de la jeune fille, je vois qu'il lui dit quelques trucs, pour finalement la positionner derrière le mur, je ne vois plus que ses pieds dépasser du côté vitré, ça va mieux au niveau de mes angoisses...

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Mais ce serai salaud de ne dire que sur le corps infirmier, parce que si le corps infirmier est ainsi, c'est que le corps médical, doctoral et professoral ne va pas tant mieux, les infos ne sont pas transmises, une année j'avais pensé que si j'arrivais avec la liste écrite des médicaments prescris, à quelle heure je prends tel et tel, les doses, les réserves, tout ça déjà noté sur un papier ça aurait pu aider (parce qu'oralement, on oublie), mais même en donnant le papier au docteur des admissions, ça ne changeait à rien, donc il faut tout contrôler, demander, corriger, téléphoner au médecin de garde... Ils ont totalement oublié l'observtion empirique, ils laissent ça aux labos et se contentent des études et de la notice, donc si c'est écrit que 2+2 ça fait 5, c'est quand-même pas un malade mental qui va leur apprendre que ça fait 4, les labos ont fait les tests avec 10'00000000 types sous la molécule et 10'000000 avec un tic-tac, ils savent et on n'a plus rien à leur dire !

Alors j'ai de la peine pour les jeunes patients, parce qu'ils n'ont pas les ressorts et les connaissances que j'ai acquis au contact de mon premier médecin, un vieux colombien qui bossait justement avec les labos, qui me filait des plaquettes de médicaments pas encore en pharmacie, qui posait les bonnes questions, et qui m'apprenait à être attentif à telle ou telle chose, parce que lui savait qu'il ne savait pas tout, il avait fait ses études dans les années 60...

Quand j'ai vrillé en 1998 et qu'on m'a confié à ce vieux toubib, qui te dessine le diagramme moléculaire des médics qu'il te donne, ça rassure déjà, je vois que qu’il est compétent, qu'il pose des questions judicieuses, et qu'il adapte son traitement à mesure de ce qui se passe et de ce que je lui dis sur les effets de tel et tel médicament, parce qu'il était curieux, calé, et n'avait pas lu la notice ni les études...

Mais je n'ai jamais réellement prit cette maladie au sérieux puisque je n'ai eu besoin que de 3 hospitalisations jusqu'en 2012, du coup, ... une maladie invalidante qui nécessite si peu d'interventions me semblait tellement exagéré que j'avais honte au point d'aller faire mes courses dans la commune voisine si c'était durant les heures de travail. Je me disais même que j'aurai préféré perdre les deux jambes dans un accident de voiture et me balader en chaise roulante, parce que là oui, David est à plaindre, on le voit, le pauvre, tout amoché comme ça. Tandis qu'en ayant bonne mine, j'en étais arrivé à me mépriser : invalide pour ça ???

Bon, quand le vieux docteur a prit sa retraite et que le nouveau m'a prit en main, ça a été mieux, et en 2018, l'année de mes 4 hospitalisations, j'ai jeté l'éponge de la culpabilité en me disant que oui, c'était une vraie maladie invalidante, 4 fois à l'hôpital durant l'année, ça fait plus sérieux. Donc entre 2013 et 2024, 24 hospitalisation, là on se dit qu'on tient le bon bout, on est un vrai bon malade psychiatrique et on n'a plus du tout honte d'aller faire ses courses à 3 heures de l'après-midi. Et le nouveau toubib semble aussi satisfait d'avoir un vrai cas qui accepte enfin que ce soit désespéré.

Maintenant, avec le recul, je m'aperçois que c'est finalement le nouveau médecin qui est arrivé à me convaincre que j'étais réellement un bon à rien, un invalide, que je méritais mon statut de rentier, qu'il fallait que je suive à la lettre son traitement... et en cela il avait raison : son traitement m'a rendu suffisamment malade pour que j'y croie enfin, mais il a fallu du temps pour accepter tout ça.

Le 3 mars 2022, c'est ma femme qui s'est plantée en face de moi et qui m'a dit : "Tu arrêtes de bouffer ce médicament, tu deviens un zombie !" Je ne l'ai pas pris au soir du 3 mars, le 4 c'était encore un peu mitigé, et le 5 j'ai commencé ma résurrection, je n'avais plus faim, je me sentais tellement mieux : en février j'avais calé après un kilomètre de marche et les infirmiers avaient dû me motoriser pour terminer le trajet, en avril j'ai viré le toubib, et en octobre j'ai fait Florence et Rome avec mes deux cadets, plus de 20'000 pas par jour d'après le bidule de ma fille ! Et voilà qu'on commence à me demander si je me suis au sport ou si j'ai fait un régime, parce que perdre 35 kilos en 6 mois, ça intéresse des gens. Mais je n'aime pas les régimes parce qu'ils empêchent de manger ce qui est bon et j'évite le sport, c'est dangereux pour la santé, donc je répondais que j'avais perdu l'appétit, c'était vrai, je ne crevais plus de faim tout le temps jusqu'à me lever la nuit.

En novembre de la même année, j'ai subi une accélération (des pensées), c'est comme si on est persécuté, elles partent dans tous les sens, mais je connaissais les molécules, j'en avais en réserve, alors j'ai réuni ma famille, je leur ai annoncé que j'allais éteindre les lumières durant 10 jours, qu'ils me verraient déambuler, mais qu'il fallait qu'ils me considèrent comme si j'étais à l'hôpital, parce que je serai inapte. Ceci fait, j'ai pris les médicaments, les doses utiles pour éteindre toutes les pensées, et 10 jours c'est très long..., on ne peut plus lire, plus regarder la télé, plus discuter normalement, on est comme immergé, les oreilles sou 10 centimètres d'eau, et on attend. Après 10 jours, j'ai arrêté les médicaments, et tout est redevenu en ordre. Mais voilà, si les médecins ont appris que ça ne se fait pas de remettre un type sur pieds en 10 jours parce qu'il faut introduire un traitement de fond, eh bien ça ne se fait pas, et le traitement de fond fera de toutes façons en sorte que ça n'ira pas en 10 jours.

Ceci dit, 25 ans de médication psy, ça laisse des dégâts, de nouvelles maladies qu'il faut aller voir des neurologues pour soigner et encore des psys parce que la Docteur de famille flippe, etc.

Je ne dis pas que la maladie n'existe pas, je dis que Dieu m'a fait comme ça, et Dieu ne fait pas des gens malades, il fait des gens différents, avec une sensibilité différente, exprès ! Oui, exprès pour avoir un minimum de variété d'humains. Alors certes, il y a des moments très difficiles, et on n'est peut-être pas adaptés à la société telle qu'elle est, mais si je peux faire un site internet pareil tout seul, c'est que je ne suis ni un attardé mental, ni un débile, j'ai un trouble qui peut induire de grandes souffrances émotionnelles, et c'est tant mieux. Dernièrement, pour mon problème de dos, j'ai été voir tout le monde, la Docteur normale, le chinois, le fabricant de matelas, et à la fin j'ai même été voir un guérisseur très inspiré qui me dit que c'est réglé, Jésus a tout guérit, et si je crois que j'ai encore quelque chose, je dois dire : "Je maudis le mal de dos, je maudis le mal aux articulations, je maudis l'arthrose, je maudis la bipolarité, et tu verras, c'est réglé !" Mais j'ai protesté : "Non, je peux bien maudire tout ce que tu veux, mais pas la bipolarité, Dieu sait ce qu'Il fait et c'est comme ça qu'Il m'a fait !" Mais pour le reste, c'était réglé... non j'déconne, j'en ai été quitte pour retourner voir la Docteur Suisse qui m'a envoyé faire un IRM pour me dire qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose là-contre...

 

En fin de compte, j'ai remarqué quand j'ai eu ces problèmes d'hypersensibilités neurologiques, un truc incroyable qui allait jusqu'à m'empêcher porter mes lunettes et conduire et qui me mettait en vrac complet, eh bien je savais quand j'étais aux bains thermaux que sur les centaines de personnes présentes dans les bains, j'étais LE type qui appréciait le plus la baignade, ça me faisait tellement de bien d'être en apesanteur et de ne plus souffrir que j'étais réellement le type qui appréciait le plus les bains. Alors avec cette maladie c'est pareil, il faut accepter l'ombre de la mort et des moments très difficiles pour pouvoir profiter de la lumière de la vie bien plus intensément que tous les autres, c'est tout.
 

Par rapport à l'hôpital, il y a beaucoup de choses que je ne peux ni ne veux raconter, des anecdotes trop déchirantes, et je ne veux nuire à personne. A première vue, j'aimerai bien pouvoir dire que ça irait déjà nettement mieux si on prenait le personnel de la clinique de Casablanca et qu'on le collerait dans cette structure de Malévoz, parce qu'ils ont tous intérêt à être de bonne volonté, wi-fi ou pas. Mais ce n'est pas si simple, parce qu'avec ces manies de donner des molécules douteuses (parce que personne ne sait exactement comment ça fonctionne, il n'y a que ceux qui les mangent qui connaissent les effets parce qu'ils les vivent, et les médecins qui savent autre chose parce qu'ils ont lu les études et la notice), on ne s'en sortira pas. Il faudrait faire ce que j'étais capable de faire gratuitement au mouroir de Calcutta, et que les bonnes sœurs du Dr Repond étaient sans doute capables aussi : De la chaleur humaine, de l'amour, de l'attention, parce que tout le reste est là : Structure, fleurs, chapelle, tout !

Donc les humains peuvent changer, mais si on reste avec ces médicaments, on va réellement fabriquer une génération de gens qui vont avoir des maladies qui n’ont jamais existé jusqu’à maintenant, et je ne le dis pas de moi-même, je dis ce que j’entends à la cafétéria, dans le patio, partout, tous ceux qui les avalent savent qu’il y a un problème avec ces médicaments, mais ils croient qu’ils en ont besoin quand même. A la cafétéria, un jeune derrière moi se lève et dit à sa tablée : «Bon, je dois y aller, je dois prendre il diablo !» Les autres demandent de quoi il s’agit, et il répond : "Les médicaments", … mais il y va quand-même !

 

Du côté médical c’est pareil, ils croient aider, ils veulent sûrement aider, et ils voient tout aussi sûrement sur les dossiers que ça ne s’améliore pas, d’année en année c’est plutôt pire que mieux, mais ils continuent quand-même, un peu comme l'URSS, si ça ne fonctionne pas bien, c'est qu'il n'y a pas assez de socialistes ! Donc faut y aller franchement et pas avec le dos de la cuiller. Dyskinésie tardive (c'est à cause de ça que je n'ose plus prendre les médicaments pour la bonne humeur), ou l'Akathisie que j'ai chopé grâce à ce neuroleptique qui me faisaient tant de bien. Autrefois, c'était une maladie qui arrivait chez des gens qui étaient en carence de fer, alors quand ça arrivait, on leur donnait à bouffer une barre de chantier et c'était réglé. Mais avec ces médicaments, ça existe pour de vrai et ça ne part plus ! Alors on minimise et on parle "d'impatience", ...genre le couillon qui n'a pas envie de patienter dans la file d'attente et qui fait chier tout le monde ! Rien à voir !!! Et personne ne nous prévient, histoire de pouvoir poser la question à ceux qui sont atteint pour voir si on a envie de les bouffer ces machins ? Pour tirer au clair des histoires pareilles, il faudrait qu’un type dans mon genre, qui a essayé un tas de molécules pendant des dizaines d’années, fasse des études de médecine, de biologie moléculaire, de pharmacopée, et en tire des conclusions.

 

Mais si je ne me suis pas intéressé à ma maladie jusqu’à cette année (les maladies c’est négatif, c’est chiant), ce n’est pas pour me lancer dans 20 ans d’étude sur les maladies et les médicaments. J’ai dû m’en intéresser cette année car j’ai été laissé en roue libre, sans femme, sans famille, sans personne, dans une caravane, seul, il fallait au moins que je comprenne un peu comment ça fonctionne,... surtout après une année de Lithium qui m’a fait perdre des amitiés de 40 ans, un mariage de 30 ans, 200’000 francs, le tout avec le sourire et en rigolant parce qu'on a toujours l'impression qu'on va trouver l'entourloupe pour retomber sur nos pattes, et tout ça sous la bénédiction et avec les félicitations du corps médical s'il vous plait ! Mais en psychiatrie, le Lithium est inattaquable, ce serait comme attaquer l’aspirine au niveau somatique, donc je me tais là-dessus même si je n'en pense pas moins, et je m'en remets à Dieu pour qu'Il rétablisse tous ces dégâts !

Ceci étant dit, le plus important pour améliorer un peu les choses dans l’immédiat pour ceux qui ont une infirmité psychique réelle, ce serait que :

1) Ceux qui n’ont pas de maladie psychique arrêtent de se plaindre auprès des professionnels de santé, ils n’ont pas fait des études pareilles pour soigner des gens pas malades, et ne sont de toutes façons pas équipés pour donner un sens à la vie ou répondre à des problèmes existentiels, parce qu’à priori, ils n’ont ni diplôme de prophète ou d'oracle, ni de philosophie, alors qu’ils retournent au bar discuter de tout ça avec leurs copains qui leur remonteront le moral.

2) Les malades psychiques arrêtent de croire en la pharmacopée, les petites pilules peuvent aider pour passer l’épaule, mais une fois ceci fait, les professionnels de santé seront plus à même de conseiller sur ce qu’est réellement la maladie (c’est ça qu’ils ont étudié), comment surmonter les coups durs, donner quelques astuces psychologiques qui peuvent être d’un grand secours, mais arrêter ces pilules et se prendre un peu en main soi-même aussi, bordel ! Parce qu’à force de compter sur les autres pour régler nos propres problèmes, eh bien à voir l’enthousiasme des autres pour le faire, on n'est pas sorti de l’auberge.

3) Les professionnels de santé arrêtent de croire que l’attention qu’ils peuvent offrir, l’écoute, le discernement, le conseil et le dialogue sont moins importants que le «traitement» (les molécules), parce que le vrai traitement, c’est celui qu’avait compris le Dr Repond en 1901, avant les pilules et les électrochocs. Mais pour ça, les psychologues sont beaucoup mieux équipés que les docteurs qui ont le pouvoir de prescrire, car les docteurs ont perdu leur curiosité et ne se reposent quasi plus que sur les molécules, tandis que les psychologues ont de l’avenir s’ils persévèrent avec curiosité comme ils le font.

4) Que le personnel infirmier arrête de croire que c’est en écrivant des trucs sur leur ordinateur et en restant dans un entre-soi ridicule que les patients vont aller mieux ! Jetez les écrans par les fenêtres et mélangez-vous un peu aux patients, ils sont tous là à zoner avec leur smartphone et leur écouteurs sur les oreilles en faisant les 100 pas ou en fumant plus que de raison à défaut de savoir quoi faire. Vous avez étudié, alors parlez avec les patients (mais laissez leur quand-même des plages de pauses, ils ne vous supporteront pas non-stop non plus ;-))

 

Voilà, c’est ma contribution pour faire avancer le schmilblick, l'hôpital de Malévoz que j'aime beaucoup, le palace, et lui redonner ses lettres de noblesse. Je ne mets personne dans le même panier parce qu’il s'agit d'un système, et dans tous les systèmes, il y a toujours des gens normaux, des malades, des soignants, du personnel qui sort du lot, comme Marjorie par exemple, mais en gros, si ceux qui n’ont pas encore fait l’effort dans ce sens décident de le faire, eh bé..., ça ira déjà nettement mieux.

Un mot sur Marjorie quand-même, parce qu'elle a connu le 20ème siècle et le directeur Carron. Les infirmiers ne parlent pas d'eux aux malades, c'est dans l'autre sens que ça fonctionne normalement, mais je peux quand-même en dire un mot, parce qu'à force d'être un patient, je suis devenu très patient, genre le matin on me donne une carte de rendez-vous à 14h15. Je dîne, et à 12h30 je suis déjà prêt, fini, fumé tout, je m'installe et j'ai le temps de prier un chapelet ? Non, un rosaire = 4 chapelets, là, devant le bureau infirmier, ça me dure jusqu'à 14h30, ... et là, la toubib qui passe : "Ahhh Monsieur Vuignier, j'ai eu une urgence, il faut qu'on déplace le rendez-vous à 17h15, je ne peux pas avant, je suis désolée..."

- Faut pas, pas de problèmes, j'ai rien de prévu de spécial...

A 17h30 elle repasse : "Ahhh Monsieur Vuignier, on a encore une admission, je ne vais pas pouvoir vous voir avant demain matin, je suis désolée...

- Faut pas, pas de problèmes, je n'ai agendé aucun rendez-vous d'ici là, va pour demain matin.

N'ayant pas de smartphone ni rien pour me distraire, j'ai dévellopé une aptitude je pense unique en Suisse : La capacité de ne rien faire ! Du tout. Rien ! Aucun patient psy ne sais faire ça, soit ils fument, soit ils écoutent de la musique, soit ils regardent leur smartphone, soit ils discutent, soit ils dorment, soit ils mangent, soit ils sont aux WC, soit ils prient, soit ils discutent avec leur ami imaginaire... tout le monde fait toujours quelque chose, et moi je suis capable de ne rien faire du tout, même pas prier, je reste juste là. Alors je ne fais pas totalement rien, parce que j'observe quand-même ce qui se passe, et je dois dire quelque chose de Marjorie, parce que c'est une perle ! ...j'ai dis assez de mal pour me permettre de donner un bon point, non ? Les autres patients le savent aussi parce que c'est avec elle qu'ils veulent discuter, mais ils ne savent pas pourquoi, tandis que moi je sais. Marjorie c'est une femme fondamentalement bienfaisante, elle a été créée comme ça : toujours prête à rendre service, elle a le pas rapide mais léger, je le reconnais même à travers la porte du bureau infirmier, si ça toque ou si ça sonne, c'est le pas de Marjorie qu'on va entendre en premier, parce que c'est toujours la première sur le coup. J'observe aussi son visage lorsqu'elle passe, et je vois bien que parfois, elle doit se dire : "ça suffit, on ne m'y reprendra plus"... , alors je pense que quelqu'un a dû abuser de sa bonté par le passé et que ça l'a fait souffrir au point qu'elle y repense parfois. Le problème de Marjorie, c'est qu'elle ne peut pas s'empêcher de rendre service parce que comme dit au début elle EST comme ça : fondamentalement bienfaisante. ...Et elle peut bien se dire ce qu'elle veut, on l'y reprendra !

 

Voilà, c'était pour conclure sur la bonne note de Malévoz, parce que Marjorie à elle seule est une valeur ajoutée inestimable à l'hôpital de Malévoz. Quand je suis arrivé en août, après 2-3 jours sans la voir rôder dans le pavillon, je me pose déjà la question de quand elle prend son service... après 4 jours je ne peux m'empêcher de demander ce qui se passe avec Marjorie ? - Elle est en vacances pour encore 10 jours ! Eh bien, on voit la différence ! Attention, quand elle arrive je ne me jette pas sur elle, je sais qu'elle va être prise d'assaut par tout un tas de gens qui en ont bien plus besoin que moi, mais de la savoir là, ça me rassure, je me dis que tant qu'elle est là, les jeunes toubibs ne vont pas oser faire n'importe quoi ! J'espère qu'elle est payée en conséquence.

 

Mais Marjorie ou pas, en conclusion, le gros problème de notre temps, c’est que si tout le monde se plaint, eh bien il ne reste rien à ceux qui ont un réel problème de santé mentale. Quoi ? – Allez raconter aux soignants que c'est plus grave que l'autre et se plaindre plus fort ? - Non, quand on en est là on n’a plus le cœur à ça, on se flingue, ... dans l'indignité, parce que si on veut le faire dans la dignité, il va falloir développer une telle énergie pour convaincre qu'on jette l'éponge avant même de commencer, et pour ce genre de truc, on sait se démerder tout seul, mais splatché comme une fiente sur le capot de la locomotive des TPC, on repassera pour la dignité !

Et une fois qu'on en sera là, lorsque les gens qui n'ont pas de maladies mentales arrêteront de se plaindre auprès du corps médical, ce sera au tour des gens qui ont des maladies d'arrêter de se plaindre, et à ce moment, on pourra faire de grandes choses, croyez-le !

 

Un peu plus généralement, au niveau de la médecine, je voulais encore dire un truc à propos de Sextus Empiricus, parce que tous ces docteurs des protocoles, c'est très hippocratique vs Sextus le sceptique (de l’école des sceptiques) qui avait le chic pour remettre en question tous ces protocoles, mais après une brève recherche sur ce fameux serment d’Hippocrate qui a transformé d'obscurs guérisseurs et charlatans en vénérables docteurs, je crois finalement qu'il n'y a même pas besoin d’appeler Sextus ni l'observation empirique à la rescousse, il n'y a qu'à poster le serment original qui fait de ces gens-là des gens si honnorables :

Serment d'Hippocrate (4ème siècle avant J.-C) :

« - Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants (en gros, il promet à mort) :

- Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.

- Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.

- Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille, je la laisserai aux gens qui s'en occupent.

- Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

- Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.

- Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »

 

Voilà, donc quand tout ce qui reste de ce serment c'est que les toubibs qui le prêtent ne retiennent que la dernière ligne en enlevant ce qu'il y a après le point virgule, histoire d'être honoré à jamais parmi les hommes, je ne pense pas tant utile de commencer avec des arguties entre les protocoles hippocratiques et l'observation empirique sceptique, il suffit de dire que ledit serment à été transformé par l'assemblée générale de l'Association médicale mondiale en «Serment de Genève» en 1948 et qu'il en sont actuellement à la 7ème mouture, toute fraie émoulue de 2020. Alors oublions toutes ces conneries et faisons mémoire des vrais médecins antiques qui ont préféré se suicider plutôt que de trahir le vrai serment qu'ils avaient prêté...

Ceci dit, "Docteur", ça en jette toujours pas mal, question d'honneur parmi les hommes, alors merci qui ? Merci Hippo !

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